Faustine Ryckebusch a soutenu sa thèse le 13 mars 2020 . Réalisée dans le cadre du projet étendard E-Space, et financée par Agropolis Fondation, son sujet portait sur "Caractérisation de la transmission des capulavirus, des géminivirus d’un genre nouveau dont l’originalité est la transmission par puceron".
Faustine a été encadrée par Michel Peterschmitt et accueillie au sein Montpellier, SupAgro, dans le cadre de Biodiversité, Agriculture, Alimentation, Environnement, Terre, Eau , en partenariat avec BGPI - Biologie et Génétique des Interactions Plante-Parasite (laboratoire) .
Résumé
Les virus de la famille Geminiviridae sont des virus à ADN simple brin circulaire (ADNsbc), transmis selon le mode circulant non-multipliant (snm) par cicadelle, aleurode, membracide et puceron (Hemiptera). Des maladies causées par des géminivirus sont décrites depuis plus d’un siècle, mais ce n’est que récemment que des geminivirus transmis par puceron ont été découverts. Cette découverte tardive est paradoxale car les pucerons sont les hémiptères qui transmettent le plus de virus de plante, y compris ceux des familles Nanoviridae et Luteoviridae, transmis selon le mode snm. La transmission par puceron a été détectée au sein d’un groupe de 4 géminivirus qui se distinguent par leurs séquences et organisations génomiques, et pour lesquels le genre Capulavirus a été créé. La transmission par puceron n’avait été démontrée que pour 2 d’entre eux, l’Alfalfa leaf curl virus (ALCV) transmis par Aphis craccivora et le Plantago latent virus (PlLV) par Dysaphis plantaginea. En démontrant la transmissibilité d’un 3e capulavirus par puceron, l’Euphorbia caput medusae latent virus (EcmLV), la transmission par puceron est validée comme critère taxonomique générique. La population de A. craccivora qui transmet l’EcmLV, ne transmet pas l’ALCV, ce qui témoigne d’une grande spécificité de transmission au sein des capulavirus. La circulation de l’ALCV a été suivi dans son puceron vecteur par des approches complémentaires. La localisation de l’ALCV dans les tissus de plante (FISH) et des analyses fines du comportement alimentaire du vecteur par électropénétrographie (EPG) montrent que l’ALCV est restreint au phloème et que sa distribution est hétérogène. Des tests de transmission et des mesures de teneurs virales (qPCR) montrent qu’au maximum 12% des pucerons transmettent l’ALCV et que la transmission est tributaire d’un seuil critique de teneur viral. Nous montrons aussi que l’ALCV s’accumule et persiste efficacement dans le tube digestif du puceron vecteur, comme d’autres géminivirus dans leurs vecteurs aleurode et cicadelle. Par contre, la teneur et la persistance de l’ALCV dans l’hémolymphe et dans la tête est faible, en cohérence avec les traces infimes d’ALCV détectées par FISH dans les glandes salivaires, contrairement au tube digestif. Ces résultats pourraient expliquer que le taux de transmission de l’ALCV par A craccivora est bien inférieur à celui de géminivirus transmis par aleurode ou cicadelle (90%). Grâce à un nanovirus de fève, le Faba bean necrotic stunt virus (FbNSV), nous avons vu que la faible transmission de l’ALCV n’est pas imputable au puceron. Avec une même population de A. craccivora, nous montrons que le taux de transmission du FbNSV est 2 à 5 fois plus élevé que celui de l’ALCV, et que le FbNSV est excrété beaucoup plus efficacement. Des observations en FISH montrent que l’ALCV et le FbNSV ne colocalisent pas dans les cellules de l’intestin moyen, suggérant des routes de circulation distinctes. Alors que dans les deux familles virales les génomes sont des ADNsbc, seuls les nanovirus ont une protéine assistante de la transmission (NSP). La transmission des géminivirus est déterminée uniquement par la CP. Un criblage double-hybride en levure contre la CP de l’ALCV a permis d’identifier 3 protéines du tube digestif de A. craccivora. Leur rôle dans la transmission devra être validé par des tests d’interaction complémentaires et de transmission. Un travail parallèle réalisé avec la CP et la NSP du FbNSV dans le cadre d’une autre thèse devrait permettre à terme de valider l’hypothèse de parcours propre à chaque virus sur une base moléculaire. La généralisation du faible taux de transmission de l’ALCV à l’ensemble des capulavirus pourrait expliquer à la fois leur découverte tardive, et leur adaptation préférentielle à des hôtes pérennes. Cette hypothèse est discutée par rapport à quelques observations de terrain et en comparaison avec des virus des familles Nanoviridae et Luteoviridae.